Pourquoi Excel reste un pilier de la business intelligence
Dans l’univers des outils de business intelligence, on cite souvent des plateformes comme Power BI, Tableau ou Qlik. Pourtant, un outil bien plus familier continue de jouer un rôle clé dans la prise de décision : Microsoft Excel. Oui, le bon vieux fichier .xlsx, que nous connaissons tous, peut devenir un véritable tableau de bord stratégique — à condition de l’exploiter avec méthode et un soupçon d’automatisation.
La force d’Excel réside dans sa flexibilité, sa compatibilité avec d’innombrables sources de données, son adoption quasi universelle… et sa capacité à évoluer. Grâce à des fonctionnalités avancées comme Power Query, Power Pivot ou les graphiques dynamiques, Excel devient aujourd’hui un moteur pertinent pour appuyer les décisions data-driven même dans des contextes business exigeants.
Alors, comment passer d’un tableau plat rempli de chiffres à un outil décisionnel agile et bien pensé ? Voici les piliers à activer pour faire de votre Excel quotidien un levier de business intelligence.
Structurez vos données comme une base… pas comme une liste
La majorité des erreurs rencontrées dans Excel ne viennent pas d’une mauvaise formule, mais d’une mauvaise organisation de l’information. Si vos données ressemblent à une suite de cellules copiées-collées, vous partez sur de mauvaises bases. Pour faire de l’analyse, il faut penser “modèle de données”.
Commencez par :
- Normaliser vos colonnes : une information par colonne (ex. : un champ “Date de commande”, un champ “Montant HT”, etc.)
- Supprimer les lignes vides, les totaux manuels, les marges de mises en page, les fusions de cellules inutiles
- Nommer vos onglets et plages de données de façon explicite
En structurant vos données comme dans une base relationnelle, vous facilitez l’analyse et vous ouvrez la porte à des fonctionnalités BI avancées.
Connectez les sources et automatisez avec Power Query
Power Query est probablement l’outil le plus sous-estimé par la plupart des utilisateurs d’Excel, notamment ceux qui gèrent régulièrement des fichiers de reporting ou de performance commerciale. Pourtant, dès que vous avez des données récurrentes à manipuler (CSV exportés d’un logiciel, fichier CRM à retraiter, liste de ventes…), Power Query devient un atout redoutable.
Grâce à lui, vous pouvez :
- Connecter automatiquement vos fichiers sources à un tableau Excel
- Appliquer des étapes de nettoyage et de transformation (ex. : convertir du texte en date, supprimer les lignes vides, filtrer, fusionner des colonnes…)
- Mémoriser ce processus de transformation pour le réutiliser à chaque actualisation
Imaginez : vous glissez un fichier “ventes_mars.csv” dans un dossier, vous ouvrez Excel, vous cliquez sur “Actualiser”… Et vos graphiques sont à jour. Le rêve de tout commercial ou manager en quête de gain de temps.
Simplifiez les calculs complexes avec Power Pivot
La puissance de Power Pivot — complément natif d’Excel depuis la version 2016 — réside dans sa capacité à gérer des volumes importants de données sans ralentir votre classeur. Il permet aussi d’ajouter un vrai moteur de calcul à vos tableaux de données en utilisant le langage DAX (Data Analysis Expressions), proche des formules Excel mais bien plus robuste.
Que pouvez-vous y faire ?
- Gérer plusieurs tables liées entre elles (ex. : une table de ventes, une table de clients, une table de produits)
- Créer des indicateurs calculés (marge moyenne, nombre de clients récurrents, taux de transformation, etc.)
- Adapter dynamiquement vos formules selon des filtres ou des segments définis par l’utilisateur
L’intérêt est double : vous gagnez en performance sur de gros volumes de données, et vous isolez les calculs complexes pour éviter les erreurs humaines. Un must pour ceux qui gèrent des tableaux de bord partagés ou mis à jour régulièrement.
Proposez des visualisations interactives accessibles
Les graphes et les tableaux croisés dynamiques sont souvent vus comme des accessoires de présentation. Pourtant, dans une logique de BI, ce sont eux qui font le lien entre les données brutes et les décisions.
L’objectif : permettre à l’utilisateur d’explorer les données sans toucher aux cellules.
Voici quelques bonnes pratiques pour des visualisations efficaces dans Excel :
- Utilisez des segments (slicers) pour permettre des filtres dynamiques (par période, par zone géographique, par catégorie…)
- Ajoutez des barres de données, des jeux d’icônes ou des mises en forme conditionnelles pour faire ressortir les tendances
- Prévoyez un tableau de bord en une seule vue, lisible sur un écran standard (prise de décision rapide = visualisation claire)
Un exemple ? Une PME du e-commerce que j’accompagne a mis en place un tableau de bord dans Excel qui permet, en quelques clics, d’identifier chaque jour les produits les plus margés selon leurs canaux de vente. Avant ça, il fallait deux heures de consolidation manuelle. Aujourd’hui, un clic sur un segment suffit.
Collaborez dans le cloud, en sécurité
L’un des grands reproches faits à Excel est son côté “fichier local” : chacun édite une version différente, les données sont dupliquées, les erreurs se multiplient… C’est justement là qu’interviennent les fonctionnalités cloud d’Excel via Microsoft 365 et OneDrive.
En activant les options de partage et de collaboration, vous pouvez :
- Travailler à plusieurs en temps réel sur un même tableau
- Limiter ou ouvrir l’accès selon les droits (consultation seule, modification, etc.)
- Suivre l’historique des modifications sur vos tableaux complexes
Et pour aller plus loin, Excel peut même connecter des données en direct depuis des bases SQL, des API web ou des listes SharePoint. Ce n’est plus une simple feuille de calcul, mais un véritable hub de données décisionnelles.
Des cas d’usage concrets dans les TPE et ETI
Que vous soyez directeur marketing, responsable commercial ou chargé de communication digitale, les cas d’usage de la BI pour Excel sont nombreux :
- Reporting mensuel automatisé : compilez les données de plusieurs agences ou équipes dans un tableau de bord actualisé en quelques clics.
- Analyse de rentabilité produit : croisez catégories de produits, coûts d’achat et frais logistiques pour identifier vos segments les plus rentables.
- Suivi de performance d’une campagne digitale : intégrez des données d’acquisition (Google Ads, réseaux sociaux) avec les conversions enregistrées en CRM, pour un pilotage budgétaire aux petits oignons.
Dans ces cas, Excel ne remplace pas un outil de BI robuste à l’échelle de l’entreprise, mais devient un outil puissant pour des équipes agiles, en quête de résultats concrets sans surinvestissement en IT.
Les limites à connaître… et à contourner
Aucun outil n’est magique. Excel, même transformé en moteur de business intelligence, a ses limites :
- Il supporte mal plus d’un million de lignes sans Power Pivot
- Les erreurs de formules ou de lien de fichiers peuvent vite devenir critiques
- Ses capacités de rafraîchissement depuis des sources multiples restent limitées sans scripts ou macros
Mais pour peu qu’on applique une rigueur de structuration et que l’on forme les équipes aux outils comme Power Query et Power Pivot, Excel devient un atout stratégique.
Vers un Excel intelligent : prochaines étapes
Pour tirer pleinement parti de la business intelligence dans Excel, voici quelques pistes stratégiques :
- Former vos équipes à Power Query et Power Pivot (via des ateliers internes, MOOCs ou formations certifiantes)
- Documenter vos modèles : pour chaque fichier, garder une feuille dédiée à la structure, aux sources et aux formules clefs
- Standardiser vos indicateurs : définissez une nomenclature unifiée pour vos KPI afin d’éviter les confusions entre services
- Intégrer Excel dans un écosystème de BI : utilisez-le en tandem avec Power BI pour les exports ou la présentation managériale
En somme, la business intelligence ne nécessite pas toujours de révolution digitale. Parfois, une bonne feuille Excel bien pensée, connectée et vivante peut largement suffire à éclairer vos décisions — à condition d’en connaître les leviers.
